Résumé des propos de Ludovic GUIOT recueillis par Dominique Parizel et Benoît Lespagnard pour “Nature & Progrès”
“J’ai personnellement été atteint par la maladie de Crohn, une inflammation du tube digestif, explique Ludovic Guiot, administrateur-délégué d’Honesty. Ayant pu constater l’impact sur mon propre corps d’une nourriture mal appropriée, j’ai prêté une meilleure attention à mon alimentation et à mon hygiène de vie. Une réflexion plus globale sur l’environnement a naturellement suivi et est devenue une véritable démarche familiale. Ma conception du plaisir a également évolué et je m’efforce, autant que possible, d’écarter de ma vie tout ce que je n’aime pas. Deux choses ont donc fait que ma maladie est en rémission : qualité de la nourriture et bonheur d’aller vers ce qui me plaît. ”
“En tant que patron d’entreprise, poursuit Ludovic Guiot, je m’efforce aussi d’amener mes collaborateurs à éviter ce qui ne leur plaît pas dans leur job. Cela peut sembler étrange mais cette réflexion est pourtant fondamentale : si le travail ne convient pas, pourquoi ne pas en changer ? Ouvrir de telles perspectives est une excellente manière d’améliorer le confort des collaborateurs. Les mentalités doivent évoluer : il faut arrêter d’être dans le devoir, dans le paraître, et il faut, pour cela, identifier correctement sa propre envie et savoir où on est bon. C’est d’ailleurs souvent lié ; il est clair que, si on aime, on sera bon dans ce qu’on fait. Et le reste suivra, je crois à la loi de l’attraction. Nous sommes des moteurs pour tout ce qui nous arrive de positif et de négatif mais il n’est pas toujours aisé de le faire comprendre à notre entourage : famille, amis, collègues… Il ne faut donc pas craindre d’amener autrui à de telles réflexions. En tant que patron, je dois le demander à ceux que j’emploie : peut-être n’est-ce plus la fonction ou l’entreprise qui te conviennent ? Je dois aussi ouvrir la possibilité de réfléchir autrement. C’est pourquoi Honesty travaille avec une association nommée Emploi Mode d’Emploi (EME) qui recherche les modalités de l’épanouissement personnel dans l’entreprise et, par conséquent, une amélioration du travail.
De plus, Honesty va entamer un grand virage, dès le début de l’année prochaine ! Nous voulons nous réorganiser afin qu’il n’y ait plus un responsable ultime mais que des pôles de compétences soient mis à la disposition de tous et que l’autonomie de chacun soit accrue au point de faire disparaître, à terme, toute forme de structuration hiérarchique. Je vous invite, à ce sujet, à lire Reinventing Organizations, de Frédéric Laloux – une version traduite, résumée et illustrée, est disponible aux éditions Diateino -, dont l’idée est d’évoluer vers des fonctionnements de ce type. Pour améliorer le travail de chacun, il ne suffit pas de mettre un billard ou un kicker dans la cafétaria – je caricature – mais il faut laisser la liberté d’action la plus étendue possible aux collaborateurs et ne pas laisser planer l’impression que quelqu’un est susceptible, à tout moment, de les contrôler… Nous voyons aujourd’hui, chez Honesty, à quel point nos collaborateurs sont jaloux de leur autonomie. Trop de gens ont encore souvent, dans leur tête, l’impression qu’une telle autonomie n’est pas légitime. Il faut absolument réagir, face à de telles peurs, en mutualisant la réflexion, en rendant plus disponibles les ressources liées à des fonctions ou à des compétences, de sorte que n’importe quel collaborateur n’ait plus jamais besoin du patron pour arriver à la bonne décision.”
“Avant cela, n’importe quelle “boîte” doit évidemment définir ses priorités, ses valeurs. Chez Honesty, affirme avec fierté Ludovic Guiot, c’est la bienveillance ! Quelqu’un d’hyper-compétent, mais qui n’est pas bienveillant, n’a pas sa place chez nous. C’est la base. Le métier, ensuite, devient une sorte de la logistique… Je n’avais jamais imaginé qu’Honesty serait une entreprise avec 8 bureaux et une quarantaine de collaborateurs. Ce sont les opportunités, les rencontres de personnes amenant des projets, qui décident du destin d’une “maison” comme la nôtre. Et pas une stratégie déterminée de longue date. Il me semble donc préférable, dans cet esprit, que les décisions et les évaluations se fassent entre collègues : fixer, par exemple, de nouveaux objectifs à qui est insuffisant ou irrespectueux, ou carrément prier cette personne d’aller voir ailleurs… Nous n’engageons jamais sur base d’un diplôme ou de compétences spéciales mais surtout sur base de la personnalité. Et, par rapport au métier spécifique de l’immobilier, nous formons nous-mêmes ces nouveaux arrivants. Neuf personnes sur dix sont dans cette situation-là, chez nous…
“Aujourd’hui, les gens veulent de la liberté, de l’autonomie, constate Ludovic Guiot, travailler à temps partiel afin de garder du temps pour eux. Pourquoi serait-ce un problème, du moment que le travail est fait ? Aller chez le dentiste avec un enfant ? Chez nous, il ne faut même pas en faire la demande, ni même prendre congé… L’organisation du travail ne doit plus être du ressort de patron. Et c’est faisable dans toutes les entreprises mais, pour cela, il faut avant tout de la pédagogie, il faut changer la culture de travail. La rentabilité doit évidemment toujours être au rendez-vous mais n’est-ce pas justement cette souplesse, cette légèreté qui rend aujourd’hui le travailleur plus efficace dans son boulot ? Comment ce travail doit-il être évalué ? Chez nous, pas de chiffres, personne n’a d’objectif ! Le rapport humain est toujours prépondérant, ainsi que les rapports avec les clients. Je n’évalue donc personne individuellement mais le brainstorming est collectif sur ce qu’il est nécessaire d’améliorer.
Quel est le service qu’un agent immobilier peut rendre ? Notre rôle est d’abord de donner les bons conseils par rapport à un patrimoine. Garder ou vendre ? Quel est le prix de vente idéal ? Comment aborder la vente, en scindant, par exemple, le bien pour mieux le valoriser ? Il faut toujours, après réflexion, préférer le bon conseil au conseil intéressé, opter pour la relation à long terme dans l’intérêt du client…
Quand des collaborateurs qui ont de vraies compétences quittent l’entreprise, eh bien, c’est terrible pour l’entreprise ! Mais si ces mêmes collaborateurs s’épanouissent dans l’entreprise et peuvent être partie prenante de son destin, quelles raisons auraient-ils encore de la quitter ? Je pense donc que notre nouvelle organisation sera très attractive pour des gens qui arrivent dans le métier que nous faisons. Or l’enjeu principal aujourd’hui est justement de trouver les bonnes personnes. Et nombreux sont ceux qui acceptent à présent, de renoncer à une partie de leur salaire pour des questions de valeurs…